L'équipement de votre personnage.
"Shalindra Faë, je me nomme...Shalindra...Faë"
Elle ne vacille pas, ne cille pas, ne tente même pas d'user de sa magie pour fuir. Ses yeux céruléens plantés dans ceux de l'homme de loi.
"Je me nomme Shalindra Faë et je n'ai rien fait. Le seul crime que l'on peut m'imputer est celui de survivre"
Survivre. Oui, mais pour qui.
Survivre...oui, mais...pourquoi.
Des questions auxquels elle ne peut répondre qu'en disant que c'est pour elle-même qu'elle le fait. L'anthropomorphe s'appréciant assez pour l'assumer.
Car elle n'a rien. Plus rien, plus personne, qu'elle puisse chérir. Si ce n'est de maigres biens emportés avant que l'ennemi n'assaille sa maison. Sa vie.
Mais avant un massacre, une vie gâchée et un tour auprès des autorités de Cerith, il y a eu une naissance, une enfance heureuse, une adolescence chaotique.
Chat pitre 1
« De la naissance à l’enfance, il n’y a qu’un pont à franchir. En sautillant, en chantonnant. Ne te perds pas en route, ne parle pas aux inconnus. Apprends la comptine de la vie, elle sera cette mélodie qui t’aidera dans les moments difficiles. La mélodie des souvenirs heureux »
-Shalindra, ne court pas ainsi, tu vas te blesser…encore.- Poings sur ses hanches larges et généreuses de nourrice, Tasha regardait la petite courser un rat, pieds nus, sur le carrelage fraîchement posé du manoir familial.
-Shalindra !- Elle n’écoutait jamais. La petite au tempérament volcanique faisait toujours ce qu’elle avait envie de faire, quand elle en avait envie. C’était donc là une scène de la vie courante dans la demeure des Faë.
Tasha était une bovine entrée au service de la famille dès la naissance de Shalindra. Chaque naissance, une nourrice était engagée et nommée pour l’enfant à naître. Il y avait eu la sévère Sheila, une lionne aussi dure que grande, pour s’occuper de la première née, Felindra. Puis avait suivis la patiente Tashendra, pour Shellyra. Tashendra était la sœur de la dernière arrivée, Tasha.
Tasha, c’était la douceur maternelle, la chaleur enveloppante. Ses mamelles accueillaient souvent l’enfant exubérante qu’était Shalindra. Car il était coutume pour la petite de se faire mal. Que ce soit graves ou non, elle courait se réfugier auprès de Tasha.
Les mauvaises langues disaient que c’était parce que Shalindra et se parents n’étaient pas fait pour s’entendre. Ils allaient même à dire que les parents avaient en horreur leur dernière-née, lui reprochant de ne pas être comme les autres.
-Viens ici ma douce. Il faut que tu ailles prendre ton bain-
-Je ne veux pas !--Ne fais pas ta mauvaise tête mon enfant ! C’est l’heure et monsieur Faë a été intransigeant. Il faut que tu sois présentable pour le repas de ce soir. Il y aura ton oncle…- Tasha ne portait pas cet homme dans son cœur et bien que se gardant de le dire devant sa protégée, n’en pensait pas moins qu’il n’était qu’un ivrogne qui courrait après la fortune de son frère. La nourrice allait jusqu’à ne jamais prononcer son nom. Elle ne comprenait pas comment une enfant aussi vive d’esprit que Shalindra pouvait porter une telle créature vénale dans son cœur. Cela ne plaisait pas du tout à Tasha qui pourtant, se gardait bien de le faire remarquer à l’enfant. Après tout, elle était jeune…elle n’avait que cinq ans.
-Oh cool ! Oncle Cyln ! Moi je l’aime mon oncle Cyln ! Puisque c’est pour lui, alors je vais prendre le bain !- Au moins, se dit Tasha, elle obéit…
Shalindra n’était pas comme ses deux sœurs. Pourtant loin d’être laide, tout le monde l’appelait, en comparaison, « le vilain petit canard ».
Il faut avouer que les sœurs de Shalindra avaient été gâtées par la nature et savaient de qui tenir. On dit que de son vivant, madame Faë avait une beauté divine. Et beaucoup s’accordait à dire que elle et monsieur Faë était le couple le mieux assortis qu’il ait été permis de rencontrer. Tout cela tenant très probablement du fait qu’ils étaient issus de la même espèce. Les parents de chacun d’eux ayant refusés catégoriquement que leurs enfants ne leur présentent un époux ou une épouse qui soit autre que féline. On à beau être érudit, cela n’empêche pas d’être raciste et faire du spécisme. Pourtant, me direz-vous, n’avaient-ils pas du personnel de toutes races ? C’est que vous n’avez jamais vu comment étaient traités les divers employés. Seules les nourrices trouvaient grâces à leurs yeux. Particulièrement Sheila et je ne vous rappelle pas pourquoi…si ? C’était une lionne.
Soit.
Donc, la mère de Shalindra ainsi que son père, étaient tous deux de très beaux spécimens de leur espèce. Elle, une magnifique panthère au pelage aussi blanc qu’elle n’était pure au moment du mariage et lui, panthère également, mais au pelage tacheté et à l’allure fière et imposante. Les filles avaient toutes deux héritées des traits de l’un et du pelage de l’autre, tandis que Shalindra…elle…ne ressemblait à personne. Ou peut-être que si, mais pas à celui auquel on s’attendait.
-Mon frère ! Que je suis heureux de te voir !- Cyln, oncle de Shalindra, est et a toujours été d’ailleurs, une créature aimant la fortune, la bonne bouffe et les belles femmes. Il affectionnait particulièrement les petites félines et les bovines bien grasses. Pour le plus grand malheur de Tasha. Sa sœur, par contre, semblait apprécier le félin…
-Viens-là que je te regarde !- Les bras écartés, Cyln se saisit de son frère pour le serrer contre lui.
-Je suis heureux que tu aies pu venir Cyln !- Monsieur Faë, Seth, était aussi grand et fin que son frère était massif et court sur pattes. Tous deux avaient des pelages très différents et pendant longtemps, il fut dit un peu partout que Cyln n’était pas le frère biologique de Seth. Mieux encore, la mère de Seth l’avait eu avec un autre que son père. On alla jusqu’à ouvrir les paris sur quel mâle de l’île avait bien pu passer sur le corps de la mère Faë l’ancienne.
-Je ne pouvais pas rater une occasion de voir ma petite famille préférée !- Ce n’était pas compliqué, ils étaient la branche la plus riche. Chose que Selina se garda bien de souffler à son époux lorsqu’elle arriva à leur hauteur.
-Cyln…cela fait longtemps n’est-ce pas ?- Selina, toute en douceur, avait glissé son bras à celui de son époux. Elle le faisait pour éviter tout contact trop rapproché ave son beau-frère qui vint quand même lui embrasser les deux joues de manière sonore.
-Toujours aussi belle Selina ! Haaa…mon frère…tu en as de la chance- Mais la roue tourne…mais Cyln, se garda bien de le dire à voix haute.
Shalindra, comme vous l’aurez peut-être deviné après ce petit interlude, ressemblait ainsi à son oncle Cyln. Les mêmes yeux clairs, le même pelage sombre. Si Seth avait été au courant ? Si c’était réellement parce que la petite n’était pas sa fille ? Si sa femme l’avait trompé pour de vrai ?...ou si tout cela n’était qu’une nouvelle petite rumeur de la part du peuple…on n’en saura jamais rien. Ce qui est certains, c’est que comme pour les parents de Seth et Cyln, il valait mieux dire que Shalindra était la fille de Seth et il valait mieux sauvegarder les apparences en mettant en avant la biologique. « Il se peut que la petite ait hérité de quelques traits caractéristiques de la part de son père, mais qui sont ceux d’un ancêtre…tout comme Cyln à sa naissance… » Si cela rassure les troupes, on en fera ainsi.
Mais du coup, Shalindra est née en tant que vilain petit canard.
L’enfant, pourtant, ne manquera jamais de rien, jamais d’amour de la part de son entourage. S’il est vrai que Selina prenait moins de temps à faire son éducation que pour ses autres filles et la laissait plutôt avec son père, cela ne voulait en aucun cas dire qu’elle l’appréciait moins. Mais dans la famille Faë c’était ainsi que ça fonctionnait. Là où il y avait de la beauté, il fallait apprendre à la garder. Il fallait apprendre à s’en servir pour trouver un bon mari. Et là où elle n’était pas vraiment, alors on envoyait plutôt l’ingrate auprès du mâle de la maison, afin qu’elle apprenne à utiliser sa cervelle.
Chat Pitre 2
« L’enfant est un adulte en devenir. Si son adolescence se passe dans le tourment, ne lui demandez pas de grandir dans la joie. Mais si son adolescence se passe dans la joie…n’attendez pas du destin qu’il lui facilite constamment les choses. »
-Shalindra, reste avec moi.- L’anthropomorphe regardait sa congénère, allongée, nue à ses côtés. Caressant d’une griffe son dos à la cambrure naturelle, il souriait de tous ses crocs.
-Tu sais bien que c’est impossible…Pas ce soir- Shalindra et Samaël n’étaient pas réellement un couple. Du moins pour Shalindra, ils n’en étaient pas un. Il n’était à ses yeux que l’ami d’enfance devenu peu à peu l’amant occasionnel. Un passe-temps comme un autre en somme.
Shalindra était devenu une jeune femme pleine de vie et d’énergie. Elle avait la bougeotte. Tasha n’était plus sa nourrice, ayant passé l’âge d’en avoir une, mais se trouvait être devenue sa préceptrice, celle qui lui apprenait ce que la jeune femelle ne pouvait apprendre avec ses professeurs. Tashendra et Sheila continuaient elles-mêmes de dispenser des conseils et de parfaire l’éducation de Felindra et Shelina. Et les deux sœurs, contrairement à leur cadette, savaient se tenir.
N’allez pas imaginer une insolente, une peste, une vulgaire femelle que l’on verra plus tard plus facilement dans les ruelles à vendre ses charmes que dans un repas mondain. Il faut juste savoir que les sœurs Faë, les ainées, étaient guindées au possible malgré leur pourtant jeune âge et se voyaient déjà comme les futures mesdames de’ du coin. Elles avaient en tête les futurs maris potentiels et l’expectative de se voir mariée à un mâle inconnu juste pour les besoins de cordial entente entre deux familles ne les effrayaient pas. Et de ce fait, les aînées tâchaient de rester chastes pour leur mariage.
Et de l’autre côté, vous avez la cadette. Shalindra.
L’adolescence est avant tout une histoire d’hormone. Et Shalindra les avait en ébullition. Elle ronronnait de se voir un jour non pas au bras du plus influant homme du coin, mais dans les draps des hommes les plus puissants de Cerith. Elle voulait pouvoir vivre libre et courtiser à s’en faire mal aux zygomas de sourire à qui mieux mieux. A force d’avoir été reléguée au rang de vilain petit canard, Shalindra adolescente avait appris à charmer par des gestes, par des paroles. Quel coup d’œil avec quel jeu de jambe. Et sa première proie sera d’ailleurs son meilleur ami d’enfance, Samaël. Pour les parents, c’était une aubaine. Le jeune homme étant de bonne famille. Mais c’est parce qu’ils ne savaient pas encore que pour Shalindra, il n’était qu’un passe-temps agréable, au même titre que la danse ou les longues parties d’échec avec son père.
Ils ne l’apprirent que tardivement et de manière assez violente. Pourtant, cela avait commencé vers les size ans de leur enfant. Mais les ragots n’étaient pas un sport que pratiquaient les Faë. Ils préféraient le voir avant de croire.
-Votre fille, vous devriez faire attention…se fait une jolie petite réputation sulfureuse dans les environs- Une mauvaise langue. Mieux encore, confidence d’une langue de vipère, un jour alors que Seth se préparait à retourner chez lui après avoir conclu une jolie affaire.
-Qu’entendez-vous par là…--Vous savez, moi, je ne fais que rapporter ce que j’entends et ce que j’ai vu…deux…trois…--Arrêtez ça. Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Shalindra est une adolescente très intelligente. Trop pour se laisser…--Pourtant vous saviez que je parlais d’elle…n’avez-vous pas trop filles ?- -Au-revoir monsieur. Bien du plaisir dans votre quête de médisance. – Seth rentra en se persuadant que ce n’étaient là que les paroles d’un fauteur de trouble. Il se le répétait en marchant. Une litanie qui était inconsciemment la bouée sensé le sauver de ses mauvaises pensées. Et s’ils avaient raison ? Si Shalindra se montrait un peu trop gourmande au détriment de son nom ?
Ce soir-là, il y eût une discussion. A cette jeune femme qui semblait ne pas pouvoir contrôler ses ardeurs. Bien évidemment, Shalindra tenta de se défendre, mais sans réellement y mettre du cœur. Après tout, c’était pratique courante chez les jeunes gens non ? Il fallait bien qu’elle se fasse une idée de tout ça. La sexualité ce n’est pas sale.
-Shalindra ! Te rends-tu compte que tu te vautre dans le stupre comme une petite rien du tout aux vertus plus que troubles ?--Père…je t’en prie. Ne me compare pas à une fille de joie. Bien qu’elles, au moins, n’ont personne pour les juger. Qui es-tu pour le faire ?--Je suis ton père Shalindra. Et ce n’est pas la première fois que j’entends parler de tes écarts de conduite. Jusque là, je pensais que ce n’était que racontars. Mais je constate…j’ai pu le constater cet après-midi…Comment peux-tu…tu étais en train de…--Père…je ne faisais que m’amuser un peu.--Avec un domestique !- -Un beau mâle. Un mâle bien monté et je pense que tu l’auras constaté…bien que mon- La gifle qui claqua mit un terme aux insolences de la jeune femme. Plus que la douleur à sa joue, la griffure brûlante sous son œil, elle était choquée de ses propres paroles et de sa propre audace. Elle qui jusque-là, bien que pas autant que ses ainées, avait tenté de rester une enfant obéissante et respectueuse.
-Je prendrai une décision avec ta mère, mais il va probablement falloir que l’on décide quoi faire de toi avant que tu ne deviennes une de ces créatures de mauvaise vie ! Va maintenant. Enferme-toi dans ta chambre et tente de réfléchir à tout ça. Nous nous verrons au repas.- Tasha avait suivi la jeune femme jusque dans ses appartements. Elle ne tenta pas de sermonner l’enfant. Elle se contenta de la mettre en garde. Et ses paroles qui firent mouches étaient la prédiction d’un avenir proche, mais qui allait être chamboulé de la manière la plus affreuse qui soit. Par le meurtre.
Chat Pitre 3
« Entends-tu les cris ? Les pleurs ? La peur…La mort guette, la mort chante, elle attend, patiente, qu’ils en aient fini. La guerre c’est sale, mais le meurtre encore plus. Tout ça pour quelques œuvres d’art, quelques pièces d’or. On décime une famille, on détruit une vie. Vous n’aurez pas dût en épargner une. Car lorsqu’elle sera en âge de le faire, elle vous retrouvera et vous fera subir les conséquences de vos actes. La vengeance est un plat qui se mange froid. »Faire du commerce devrait mettre en sécurité n’importe qui. Si on est juste, droit, digne de confiance. Les clients trouveront un petit goût de reviens-y et c’est ce que faisait Seth Faë. Il aimait à croire que les gens venaient parce qu’il n’avait jamais tenté, ni même pensé, se faire plus d’argent sur leur dos en usant d’arnaque comme Cyln semblait parfois essayer de lui faire faire. Cyln, c’était et il avait d’ailleurs toujours été, le plus rusé et par ce fait, le plus roublard des deux. Cause du rejet dont il était victime par ses parents ? Allez savoir.
Quoi qu’il en soit, Seth refusait d’écouter son frère. Arnaquer les gens reste le meilleur moyen de risquer de se les mettre à dos, de se faire des ennemis. Et il en était hors de question. D’autant plus qu’avec une famille, il fallait s’assurer un avenir plein de quiétude. Et à Cerith, les habitants avaient connus assez de chambardement pour enfin parvenir à la paix. Ce n’était clairement pas pour devoir essuyer les arnaques d’un commerçant en qui ils avaient totalement confiance. N’est-ce pas ?
Les filles de Seth étaient bien loin de savoir tout ça. Elles se contentaient, comme leur mère, de profiter de l’argent et de la sécurité que le travail de leur père et époux offrait. Pourtant, il y en avait une qui suivait dans l’ombre les affaires courantes. C’était Shalindra.
Shalindra, rappelons-le, avait été éduquée un peu différemment de ses sœurs. Était-ce parce que les parents savaient qu’ils n’auraient peut-être jamais de petit garçon ? Il fallait bien qu’un des filles puissent assurer les arrières et reprendre le flambeau des affaires familiales non ? Aussi, il était normal qu’elle se mette au fait, même lorsqu’elle n’y était pas invitée. Il n’était donc pas rare de la voir glisser dans les couloirs, sembler conspirer dans une pièce proche de celle d’où des voix sortaient. Il était également courant de lui rentrer dedans, la voir sursauter et disparaître en bredouillant des paroles inintelligibles. De vagues excuses, comme une personne prise sur le fait. Mais malgré toutes les écoutes, tous les instants volés, les phrases captées en vol, Shalindra ne pouvait s’attendre à cette nuit funeste. Personne ne pourrait s’y attendre.
Tout comme elle ne pouvait se préparer à l’annonce que ses parents allaient faire plus tôt dans la journée.
-QUOI !!! Vous n’êtes pas sérieux ! MAMAN ! Tu ne vas tout de même pas laisser faire ! Fél’…Shel’…dites quelque chose ! Je vous en prie !- Les cris révoltés, entre l’entrée principale et le dessert. Encore un peu de caramel avec ta crème mon amour ?
-Regardez-moi dans les yeux et redites-le moi !- Désormais les mains sur la table, la furry toisait l’assemblée de ses yeux céruléens, cherchant la personne responsable, la personne vers qui elle pourrait tourner toute sa haine.
-Calme toi ma chérie…c’est une décision qui fut dit...--DIFFICILE ! QUE JE ME CALME ! Vous rendez-vous compte que c’est de mon avenir dont il est question ?! C’est affreux ce que je peux vous détester ! Je préférerais vous voir morts !- Des paroles qu’elle regrette encore aujourd’hui, d’autant qu’elle quitta ce soir-là la table en fureur, claquant les portes pour fuir dans l’arrière cours.
Cette décision était d’envoyer Shalindra auprès des religieux. Après tout, n’était-ce pas le meilleur moyen de lui faire avoir un meilleur mode de vie ? Il fallait à cette enfant un peu de discipline. Peut-être qu’ils auraient dût l’éduquer de la même manière que ses sœurs. Mais il est trop tard n’est-ce pas ? A presque dix-huit ans. Il est trop tard pour changer les dernières années de dur labeur à l’apprentissage en dur labeur à la bonne conduite. Sur les trois filles qu’ils avaient, il fallait bien que l’une d’elle se rebelle…n’est-ce pas ? Et dans le silence que seules les fourchettes dans la vaissellerie brisaient, tous se disaient qu’ils auraient dut faire autrement avec Shalindra.
Cette nuit-là, tout le monde était allé se coucher avec un poids quelque part. Certains sur le cœur d’avoir vu se briser la lueur de vie dans le regard de Shalindra, d’autre sur l’estomac. Ils n’auraient pas dût reprendre du caramel avec leur crème. Personne n’avait vu d’ailleurs la panthère noire. Personne ne s’était demandé si elle allait bien. Ils semblaient avoir passé l’accord tacite de la laisser tranquille. D’attendre le lendemain. Ses sœurs se disaient égoïstement que ce n’était pas de leur ressort. Et tout le monde s’était endormi, laissant Shalindra dans son désarroi. Même Tasha n’avait su que lui dire, si ce n’est offrir des bras et une poitrine accueillante à sa protégée.
Et les doux ronflements de la bovine tutrice furent le signal de départ pour Shalindra qui courut rejoindre son ami d’enfance et amant, Samaël.
Cette nuit serait probablement leur dernière ensemble. Ce fut violent, tendre, bestial…doux. Des cris, des pleurs, de la rage, de la passion.
Pendant qu’au manoir, les cris, la rage, les pleures seraient tout autre. La même mélodie avec des paroles différentes.
-Merci Samaël…il faut que j’y aille…peut-être que je trouverai quelque chose de bon là-bas après tout.- Replié sur un coude, les deux amants n’avaient pas dormi, Samaël regardait son amie avec tendresse.
-Je t’attendrai.- Une promesse, un je t’aime. Tout ce fit en silence et Shalindra regagna le manoir.
Shalindra, tout au long du chemin, avait appréhendé la réaction de ses parents. Allaient-ils lui faire remontrance ? Allaient-ils simplement passé pour cette fois, car après tout c’était peut-être sa dernière incartade ? Si ça se trouvait, cela n’allait pas être si terrible que l’endroit où ils voulaient l’envoyer. Il faut dire qu’elle s’était laissé bercée par la peur de rencontrer des gens fermés d’esprit et étrange comme certains des villageois.
Le manoir était silencieux et elle passa par la porte de derrière pour ne pas risquer de réveiller les membres de sa famille. Sur la pointe des griffes, Shalindra se faufilait dans la cour. La porte était entre-ouverte. C’était étrange. On ne laissait jamais de portes ouvertes et encore moins celle-ci. Peut-être que son père était réveillé.
-Père ? C’est toi ?- La féline chuchota dans l’encadrement, puis, elle se traina jusqu’à l’étage. Dans l’encadrement du petit salon, une silhouette apparue.
-Père…je…je vous explique.- La silhouette bascula, la tête roula à ses pieds. On ne peut exprimer ce qui traversa l’esprit de Shalindra à cet instant, tandis que sur elle, bondissaient deux hommes. Si souple et agile, son corps n’était plus que torpeur et frisson d’incrédulité.
Shalindra revint à elle dans une pièce sombre. Elle voulut crier lorsqu’elle sentit quelque chose sur son pied. Ses sœurs baignant dans leur sang. L’anthropomorphe ravala ses larmes. Il ne fallait pas qu’elle vomisse malgré la panique qui assaillait son cœur. Si jamais elle le faisait, elle risquait de s’étouffer.
En captivité, on finit par perdre la notion du temps. Shalindra avait été entrainée dans une pièce voisine et les corps de ses sœurs déplacés mais personne ne lui dit où. Pourquoi n’y avait-il pas quelqu’un pour s’inquiéter du sort des Faë ? Visiblement, ils étaient encore dans le manoir, alors pourquoi. Les créatures qui entrèrent dans la pièce, Shalindra ne les avait jamais vus. Mais eux semblaient la connaître, car ils riaient sous cape et lui mirent la main dessus en esquissant des « ça va te plaire, on le sait Shalindra ».
Les jours qui suivirent, la furry se contentait de survivre. Elle se laissait faire sans crier, avait fini par ne plus demander comment allaient sa mère…et les nourrices. Jusque-là, elle n’avait vu que son père et ses sœurs. Peut-être y avait-il une chance. Que les femmes aient quittés le manoir avant que cela ne se produise. Où qu’elles aient pu fuir…où peut-être étaient-elles retenues dans une des ailes du manoir.
Ce fut après une, peut-être deux semaines que la lumière jaillit au bout du tunnel. Et c’est sous la forme de son oncle Cyln qu’elle se matérialisa. Il était là, en sauveur. Il se voulait rassurant. Il lui dit qu’il fallait qu’elle fuie. Elle n’avait plus rien à craindre. La maison semblait déserte. Il était venu, parce qu’il trouvait étrange les silences répétés de son frère, qui répondait normalement automatiquement à ses missives. « Quelle horreur as-tu pu vivre ma pauvre enfant » « Il n’y a pas de mots assez forts. » « Il faut que tu t’en ailles. Je m’occupe de tout. Va-t’en. » « Ne reviens pas et fais toi discrète pendant quelques temps » Des paroles qui se voulaient rassurantes. Shalindra n’avait pas la force de demander pourquoi tant d’empressement. Peut-être que c’était logique après tout. Si elle restait, qui dit que les hommes n’allaient pas revenir. Si elle ne fuyait pas, qui dit qu’elle ne finirait pas comme ses sœurs, comme son père. Et sur des jambes flageolantes, avec ses économies et après avoir repris une certaine décence dans sa tenue, Shalindra quitta le manoir et partit sur les chemins.
Comment s’en sort-on quand on est une jeune femme de bonne famille qui se retrouve livrée à elle-même ?
Chat Pitre 4
« Être adulte c’est être capable de s’en sortir. Porter un masque, le retirer à la fin de chaque représentation. Mais lorsqu’on est un adulte qui survit plus qu’il ne vit, on ne retire pas son masque. On se contente d’en changer. Transformer le sourire en tristesse, les soupirs en détresse »Mal.
Ce ne fut pas facile. Après avoir quitté le manoir en secret, Shalindra fit route vers le village. Elle cacha ses traits sous sa capuche, cherchant un lieu familier. Elle avait erré longtemps, la peur d’être découverte, la peur que ses assaillants ne la reconnaissent. Il y avait aussi l’envie d’aller trouver les autorités. Mais son oncle avait dit « Il faudrait que tu te fasses passées pour morte. Je sais que c’est étrange, mais c’est le seul moyen de te faire oublier et de te mettre en sécurité. On se reverra le moment venu. Il faudra du temps. » Du temps ? Mais combien. Pourtant, elle l’avait écouté. Même lorsqu’il avait dit des choses mauvaises sur son frère « Seth avait des gros problèmes. Ce doit être une vendetta à son encontre. La paix règne, mais cela ne veut pas dire que…mange ta soupe…mange…que tout le monde est juste » Shalindra avait mangé sans conviction, s’était laissée laver par Cyln et avait quitté sa maison, son enfance, sa vie. Elle n’avait même pas demandé pourquoi. N’avait même pas bronché quand Cyln avait dit qu’il allait prendre le flambeau et garder la maison en attendant qu’on découvre qui était derrière tout ça et qu’elle soit totalement en sécurité. Et ses pas la menaient au village.
En y arrivant, Shalindra était hagard. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait là. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il fallait qu’elle trouve un lieu où dormir. Mais où ? Tous les villageois connaissaient les Faë. Même si elle était celle qui s’était le moins affichée, contrairement à ses sœurs par exemple, lors des banquets. Et sa propension à mentir lui avait fait dire, souvent, qu’elle était quelqu’un d’autre. Mais tout de même. Dans ce village, les ragots allaient bon train. Et si son père lui avait parlé de rumeurs sulfureuses à son égard, ce ne devait pas être pour rien. Quelqu’un lui en avait parlé.
Peut-être pourrait-elle rejoindre Samaël…mais qui dit que le jeune homme n’allait pas être mis en danger si elle se pointait chez lui ?
Le vague à l’âme, elle continua sa route jusqu’à une petite taverne. Elle pensait y passer la nuit, mais une conversation volée, deux trois mots entendus tandis qu’elle attendait sa consommation, la fit relever que les religieux pourraient être sa porte de salut.
La peur, le choc, vous fait faire des choses irréfléchies parfois. Ou au contraire, peut vous amener à faire preuve de beaucoup de clairvoyance. Une clairvoyance et un courage décuplé que vous n’auriez pas soupçonné et que vous ne vous reconnaîtriez pas avec le recul. Pourtant, elle l’a eu ce moment de courage.
Peut-être que c’est idiot. Beaucoup vont dire que c’est à la portée de tout le monde de faire ça. Mais pour Shalindra, ce qu’elle s’apprêtait à faire était au-dessus de ce qu’elle se savait capable de faire. Pourtant, elle frappa à la porte des religieux. L’attente fut longue. Il était peut-être trop tôt. Les gens dorment. Shalindra hésita à revenir sur ses pas. Au pire, elle trouverait bien quelque chose. Elle se laisserait mourir, si seulement elle n’avait pas trop peur pour ça. Et puis il fallait qu’elle sache. Pourquoi sa famille…où était sa mère. Est-ce qu’elle était réellement morte ? N’était-elle pas…n’y avait-il pas une chance qu’elle soit cachée ? Mais au moment où elle était résolue à repartir et retourner auprès de son oncle Cyln, la porte s’ouvrit. Et avec, la lueur d’espoir qu’il lui faudrait.
Aujourd’hui, Shalindra est l’anthropomorphe qui vit avec les religieux. Si on pourrait croire que, elle ne s’est pas réellement remise de la mort de ses proches. Elle vit en vendant ses charmes, en dansant sur les parvis de la place du village. Ce n’est pas grand-chose, mais ça lui permet de survivre. Peut-être que plus tard, elle sera laissera tentée par les bandits. Bien des fois, elle a hésité. Mais lorsqu’elle pense aux religieux qui l’ont aidé, elle se dit qu’elle ne peut leur faire ça.
Elle aide beaucoup d’ailleurs ses sauveurs. Elle sait qu’elle leur doit beaucoup, même s’ils ne demandent rien. Shalindra leur sera éternellement reconnaissante.
Cela fait longtemps maintenant et elle n’a pas essayé de reprendre contact avec son oncle. Peut-être une fois, pour qu’il lui dise qu’elle n’avait pas à s’en faire, que bientôt on trouverait les coupables. Son oncle Cyln cache quelque chose. Mais Shalindra est bien trop reconnaissante auprès de lui parce qu’il la mise en sécurité, du moins la poussée à ne pas rester dans cette maison de malheur, s’est occuper de tout, pour oser soupçonner quoi que ce soit.
Elle est toujours en quête de sa mère. Plus le temps passe et moins elle se fait d’illusion, mais se raccrocher à l’espoir de la revoir un jour lui fait du bien. La seule chose d’ailleurs qui lui fasse du bien.